Rencontre avec Fabien Marchand-Cassagne, fondateur de Moderato
Après les jus de fruits et le rooibos, Fabien Marchand-Cassagne s’est intéressé à un autre breuvage : le vin. Avec son associé Sébastien Thomas et le vigneron Vincent Pugibet, ils ont créé Moderato, une gamme de vins qui fait la part belle aux cépages résistants avec seulement 5 degrés d’alcool. Un concept innovant qui gagne à être dégusté.
Oenovino : Peux-tu nous présenter ton parcours professionnel ?
F.Marchand-Cassagne : Je suis un pur produit de la grande consommation. Cela fait plus de 20 ans que je travaille dans ce secteur. D’abord dans des grands groupes type Danone, Unilever, Coca-Cola…puis j’ai eu envie d’entreprenariat, de plus petite taille et surtout de sens. J’ai rejoint en 2008 une entreprise pleine d’engagement et spécialisée dans les jus, Innocent. C’était une expérience extraordinaire, j’y suis resté dix ans. Après cela, j’ai participé pendant deux ans au développement d’une marque de thé glacé sud-africain au rooibos. Et je suis arrivé à un moment de ma vie où j’avais envie de créer quelque chose, un produit qui va vraiment répondre à une attente de consommation et s’appuyer sur l’agriculture ou le patrimoine français. J’ai alors rencontré mon associé, Sébastien Thomas, qui lui a fait une grande partie de sa carrière chez Pernod Ricard.
Oenovino : Comment est venu le partenariat avec Vincent Pugibet ?
F.MC : Vincent, qui est notre vigneron basé à Béziers, au Domaine de la Colombette, avait déjà développé depuis une dizaine d’années deux savoir-faire qui nous intéressaient vraiment. Le premier c’est l’élaboration de nouveaux cépages en hybridation de cépages classiques et robustes dans l’objectif de créer des cépages résistants qui ne demandent aucun traitement. Le deuxième a été d’essayer d’alléger ses vins en alcool. Il fait un travail de vinification classique et réduit ensuite de quelques degrés.
Oenovino : Parle-nous de Moderato…
F.MC : Nous avons décidé d’associer ces deux savoir-faire, qu’il n’avait jusque-là jamais unifié. Nous sommes même allés plus loin puisqu’il faisait de la réduction à 9 degrés en général et nous avons créé un concept complet autour d’un produit issu du vin mais qui n’a que 5 degrés d’alcool. Ça chamboule un peu les codes. Le goût est très intéressant mais évidemment différent. Vincent vinifie les vins, il les assemble, puis les passe dans une machine mécanique que l’on appelle à osmose inverse, que l’on utilise notamment pour la désalinisation de l’eau. Tout le savoir-faire c’est d’être capable de trouver le bon équilibre entre le goût, les arômes et ce niveau d’alcool. Il faut donc un assemblage mêlant des cépages suffisamment relevés. C’est une nouvelle expérience gustative pour accompagner toutes les occasions légères.
Oenovino : Pourquoi cette envie de travailler avec des cépages résistants ?
F.MC : Parce qu’on sait que la viticulture est malheureusement une culture très polluante. Cela représente 4% des terres agricoles en France et 20% des pesticides qu’on met sur les terres. Il y a une raison assez simple pour expliquer ça. Cela fait presqu’un siècle qu’on met quasiment tout le temps les mêmes plantes et qu’on les concentre dans des zones géographiques assez restreintes de manière assez dense. C’est un immense garde-manger pour les insectes et champignons.
Oenovino : Et le taux d’alcool particulièrement léger ?
F.MC : Car il y a beaucoup de gens qui s’éloignent du vin pour de mauvaises raisons, parce que les occasions de consommation du vin ont évolué. Avant on avait une manière de manger très normée donc le vin s’accompagnait assez naturellement. Aujourd’hui, nous avons plein d’occasions comme les apéritifs dinatoires, les brunchs, les repas de midi un peu plus légers…et le vin s’en accommode un peu moins bien, du fait de son taux d’alcool essentiellement. D’autant plus que ce niveau d’alcool a augmenté ces dernières années sous l’effet du réchauffement climatique.
Oenovino : La campagne de crowdfunding a été un succès, quelles sont les prochaines étapes ?
F.MC : Dans la foulée nous avons lancé notre site internet donc nous commençons à avoir pas mal de ventes. Maintenant, le défi est de se rendre disponible dans des points de vente physiques accessibles aux particuliers : cavistes, épiceries fines, restauration quand elle rouvrira.
Oenovino : Et d’où te vient cette envie de travailler dans le vin ?
F.MC : Je suis petit-fils d’agriculteurs et mes parents ont grandi dans un milieu agricole. Donc ce sont plutôt l’agriculture et la terre qui me parlaient à l’origine. Je suis devenu par la suite intéressé par le vin plus en tant que consommateur que producteur. J’ai eu un attrait pour le patrimoine viticole et la capacité à faire évoluer l’agriculture.
Oenovino : Pourquoi as-tu suivi le WSET ?
F.MC : J’ai fait le niveau 2. Je voulais approfondir mes connaissances sur les méthodes de vinification et la logique des cépages, des appellations…je voulais comprendre davantage ce dont je parlais. C’est aussi très important pour moi quand je vais voir Vincent (Pugibet ndlr) à Béziers et qu’on prépare des cuvées d’être capable de comprendre de quoi il parle sur tous les sujets techniques et de déguster avec objectivité. Cela permet aussi de mieux parler de ce que je fais quand j’ai besoin de le présenter.
Oenovino : Qu’est-ce que cette formation t’a apporté ?
F.MC : Ce qui m’a le plus impressionné c’est la complexité des techniques de vinification. J’ai quelques proches vignerons et avec qui j’ai déjà visité des domaines mais je n’avais jamais véritablement creusé les différentes méthodes, tout ce qui peut rentrer en ligne de compte dans le profil organoleptique d’un vin. J’ai trouvé cela fascinant, tout ce savoir-faire vinicole. La partie direction des vignes aussi. Cela m’a semblé plus naturel et évident mais j’ai fait de belles découvertes.
Oenovino : Parlons vin, as-tu une pépite favorite ?
F.MC : J’ai dégusté récemment un Condrieu de Louis Chèze fabuleux. C’était intéressant parce que j’ai justement compris en faisant le WSET que les vins de Condrieu avaient ce profil organoleptique différent des autres vins des Côtes-du-Rhône septentrionales grâce à un cépage, le Viognier. Il donne de beaux arômes de fruits à noyau, de la pêche blanche et un peu de mirabelle aussi. Pour moi c’était relativement abstrait jusqu’ici et le fait de le théoriser donne encore plus de valeur à la dégustation.
Oenovino : Pourrais-tu nous citer un vin qui t’as marqué ? Un autre que tu aimerais déguster ?
F.MC : Quand je partais en vacances petit, on avait des amis viticulteurs à Pouilly-sur-Loire et j’ai dû commencer à en déguster à 13 ou 14 ans. Donc pour moi c’est un gros marqueur de goût que ce vin vraiment sur l’herbe, très sec et à la fois avec des arômes assez relevés. C’est ma référence en vin blanc. Pour le vin que j’aimerais déguster…j’ai testé pas mal de vins français et je trouve qu’en France nous n’avons pas souvent l’occasion de déguster de très bons vins étrangers. Je serais vraiment intéressé pour déguster des vins australiens, notamment de Margaret River.
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